Prête à bondir vers un nouveau titre mondial

Portrait: Vanessa Pereira, championne de jiu-jitsu brésilien.

Carte d’identité

Née le 1er novembre 1988, à Lisbonne.Cinq dates importantes2007 Arrive seule en Suisse et travaille dans un hôtel-restaurant à Belmont.
2013 Rejoint l’Académie Kimura Nova União à Renens et se dédie au jiu-jitsu brésilien.
2014 Sacrée championne d’Europe (–69 kg) devant sa famille à Lisbonne.
2015 Remporte pour la première fois l’Abu Dhabi World BJJ Pro, le plus grand tournoi de la saison.
2016 Décroche un troisième titre européen et le doublé à Abu Dhabi.

Vanessa Pereira se raconte en toute simplicité, haussant parfois les épaules, comme pour banaliser un parcours qui semble tout droit sorti des cartons d’un scénariste hollywoodien. Double championne du monde et triple championne d’Europe de jiu-jitsu brésilien, elle gagne sa vie en travaillant dans la restauration. A 18 ans, la jeune Portugaise d’origine capverdienne a posé ses valises sur les bords du Léman, en quête d’une vie meilleure. «Je suis venue en Suisse pour aider mes parents restés au pays. Au début, cela a été très difficile. Je ne parlais pas français et j’ai eu de la peine à m’adapter.» Malgré les difficultés, elle ne baisse pas les bras.Sur les conseils d’un ami, Vanessa commence le jiu-jitsu brésilien en 2013, à l’Académie Kimura Nova União de Renens. «Le dojo était à côté de chez moi. Je passais tout le temps devant.» Elle va très vite obtenir des résultats dans ce dérivé du judo et du jiu-jitsu qui allie art martial, sport de combat et système de défense personnelle, populaire au Brésil, au Japon et aux Etats-Unis.Entraînement contre des hommesSix mois plus tard, la Renanaise est sacrée championne d’Europe dans sa ville natale de Lisbonne. Le «conte de fées» ne fait que commencer. «J’ai tout entrepris pour devenir la meilleure, résume celle qui s’entraîne contre des hommes. J’étais au dojo tous les jours et j’ai regardé un maximum de combats sur Internet.» Dis comme ça, cela ne paraît pas si compliqué.Depuis, plus rien, ou presque, ne l’arrête. En janvier, elle a conquis sa troisième couronne européenne et s’est imposée pour la deuxième fois aux World Championships d’Abu Dhabi. Pour arriver au sommet, la combattante s’astreint à neuf entraînements par semaine, sans compter les trois séances de condition physique en salle de force. Au total, elle cumule plus de vingt heures hebdomadaires de préparation. En soi, cette discipline est déjà remarquable.Serveuse à 100%Mais ce qui l’est encore plus, c’est que Vanessa Pereira travaille encore à 100% comme serveuse. «Je ne rentre chez moi que pour dormir. Parfois, je me demande comment j’arrive à tout gérer.» Employée au Buffalo Grill de Crissier, la double championne du monde peut s’appuyer sur des collègues compréhensifs. «Sans eux, cela ne serait pas possible. Je leur dois beaucoup.»Ancien boxeur, son patron, Gaëtan Le Bris, comprend mieux que personne ce qu’elle doit affronter. «Il fait vraiment tout pour que j’aille le plus loin possible. Il paie mes inscriptions aux tournois et adapte mes horaires en fonction.»Pour sa première tentative aux Mondiaux de Long Beach (Etats-Unis), une tirelire avait été installée à l’entrée du restaurant. Grâce à la générosité des clients, la jeune femme a pu partir tenter sa chance en Californie. Ces Championnats du monde de la Fédération internationale de jiu-jitsu brésilien (IBJJF) sont le seul titre majeur qui manque encore à son palmarès. En 2014 et en 2015, son parcours s’est arrêté prématurément. Début juin prochain, toujours à Long Beach, elle espère bien remédier à cela en montant sur la plus haute marche du podium.

«La gloire ne m’intéresse pas. Je sais que, si je fais le maximum, personne ne pourra m’arrêter»

La jiu-jitsuka sacrifie tout pour atteindre ce but ultime, sous l’autorité de son «maître» Robinho Dantas. «Je ne fais pas grand-chose d’autre. Je ne sors pas et ne bois pas.» A 27 ans, ce choix d’une vie d’ascète implique forcément des sacrifices. «Je n’ai pas le temps pour avoir un copain.Peut-être que, dans deux ans, je me dirai qu’il est temps que je me pose et que je fonde une famille.» Après quoi court-elle, dans un sport délaissé par les sponsors et les médias? «Je m’entraîne surtout pour moi et parce que j’aime ce sport plus que tout. La gloire ne m’intéresse pas. Je sais que, si je fais le maximum, personne ne pourra m’arrêter.»Irrésistible sur les tatamis, la Portugaise reste coquette dans la vie de tous les jours. Boucles d’oreilles, maquillage, vernis à ongles, c’est une jeune femme comme les autres. «Je ne suis pas qu’une athlète. J’essaie de rester femme hors compétition.» Elle s’est coupé les cheveux très court pour mettre toutes les chances de son côté. «On pourrait dire que j’ai même sacrifié ma coupe de cheveux. Tu peux perdre un combat s’ils restent bloqués. Mais je crois que cela ne me va pas trop mal.»Sur le revers de son kimono, la protégée de la Kimura affiche fièrement les drapeaux portugais et capverdien. «Je les aurai toujours avec moi.» Installée à Renens depuis bientôt dix ans, Vanessa Pereira aimerait un jour combattre pour la Suisse. «Je dois encore attendre pour avoir la nationalité, regrette-t-elle. Ce pays représente beaucoup pour moi et j’aimerais le lui rendre.» (24 heures)(Créé: 10.05.2016, 09h17) Ugo Curty